Une scolarité clandestine en Afghanistan

Contexte :

Depuis le retour des Talibans au pouvoir en Afghanistan, le 15 août 2021, l’éducation des filles au-delà de l’école primaire a été interdite, en dépit de leurs promesses. Même si le niveau de la scolarité depuis 20 ans était loin d’être suffisant, dans les villes, la présence des écoles a permis une génération de filles de terminer leurs études scolaires et universitaires et entreprendre une carrière professionnelle. Tout cela a été stoppé net du jour au lendemain, au grand désespoir des principales concernées..

Peu à peu d’autres libertés ont été rognées : l’accès à l’université le 21 décembre 2022 ce qui a impliqué l’interdiction de passer des examens d’entrée aux études supérieures. En janvier 2023, été promulgée l’interdiction aux femmes de travailler pour des ONG, en avril cela s’est étendu même aux agences onusiennes garantissant un minimum d’accès aux soins et à l’aide alimentaire. Outre l’interdiction de circuler dans l’espace public, y compris les parcs, les rues et la campagne, l’effet global a été désastreux sur le moral des jeunes filles en particulier. Selon des évaluations des Nations Unis, des suicides ont lieu quotidiennement, d’autant que les mariages forcés d’enfants se sont démultipliés, ainsi que la vente d’enfants. Aujourd'hui, 97% de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté, auquel les sécheresses à répétition, l'insécurité et le gel des avoirs bancaires afghans ont bien entendu contribué.

En dépit de la rigueur des mesures des Talibans, tout indique que les familles désirent que leurs filles poursuivent leur éducation et les filles elles-même y tiennent particulièrement.

Objectifs

De l’éducation de femmes dépend tout progrès social- ce qui a été démontré par l’évolution de l’Iran voisin. En un an et demi de règne taliban, la société afghane s’est écroulée du point de vue de droits humains, de l’ éducation (y compris celle des garçons),du commerce, le taux de mortalité infantile et maternel remonté dramatiquement, la famine s’est installée et la violence contre les femmes déjà courante s’est étendue à tous les niveaux de la société.

Le but de notre projet, c’est de tenter d’inverser ces tendances à partir de nos écoles et de maintenir des bases de remise en question de l'injustice et de la discrimination normalisées par le régime actuel.

On évalue à environ 10 000 le nombre d’écoles clandestines de niveau très variable fonctionnant, plus ou moins, à travers l’Afghanistan.

Ayant commencé avec cinq écoles clandestines en octobre 2021, en juin 2023, 148 enseignantes qui encadrent 2258 élèves- des cours se tenant dans des domiciles privés. Début 2024, nous sommes arrivés à près de 3000 élèves! Les écoles fonctionnent de la même façon, reproduisant le cycle d’études secondaires  avec des manuels récupérés: les enseignantes sont toutes payées, les élèves passent des examens, leur présences et absences contrôlées. Par le biais de nos écoles, nous cherchons non seulement à maintenir une scolarité au niveau de ce qu’elle a été dans les vingt dernières années, mais encore de continuer à former des enseignantes aux droits humains , avec des conférences en ligne et des cours d’anglais. Nous espérons que notre façon de faire pourra s’étendre dans le pays, rehaussant le niveau de la scolarité non-officielle. En février nous nous sommes associées avec Nayestane qui poursuivait les mêmes buts ce qui nous a permis de démultiplier nos eforts et nos finances.

Nous avons créé deux series de projets: 1. E-leaning pour lycéennes et universitaires et 2. Des cours clandestins pour des collégiennes et lycéennes.

Néanmoins pour les élèves dépourvues de moyens (l’immense majorité) une solution gratuite devait être trouvée. Le e-learning n’est pas une solution pour les scolaires : outre le prix élevé des abonnements et de l’électricité, les plus jeunes n’ont pas de téléphone portable, réservé à leurs frères aînés. La méthode d’enseignement clandestin que nous avons choisie est inspirée de celle qu’utilisaient les femmes lors du premier règne taliban dans les années 90. Bien entendu, ce travail n’est pas dépourvu de risques.

POUR PLUS DE DETAILS REGARDEZ l'interview de Carol Mann (directrice de FemAid) aux côtés de Solène Chalvon pour Public Senat, le 28 mars 2023.

Notre équipe

Avec un comité fondateur composé d’Afghans en exil, en particulier Ibrahim Mateen (ingénieur) Rateb Noori (journaliste), Sahra Noori (chimiste) Lutfia Atay (traductrice) nous avons mis en place un projet qui comprend à la fois des cours clandestins en Afghanistan et la ‘Afghan University in Exile’. Chacun des membres fondateurs reste très actif dans le projet.

Résultats escomptés et indicateurs : La scolarité des filles ayant étant interdite depuis la reprise de la domination des Talibans, il est urgent de sauver l’avenir de la jeune génération ainsi que celles de leurs enseignantes condamnées à la misère sans ce travail. La demande est énorme mais le projet ne peut se réaliser qu’en recrutant des enseignantes une à une dans la plus grande discrétion.

Depuis février 2023, nous sommes associées à l'association Nayestane et nous avons réuni nos forces et nos enseignantes pour plus d'éfficacité!

I. Les cours clandestins pour jeunes filles en Afghanistan Responsable pédagogique et organisatrice : Lutfia Attay

Bénéficiaires Les cours clandestins servent à venir en aide aux collégiennes et lycéennes privées de scolarité depuis l’arrivée des Talibans et permettent aux familles des enseignantes de survivre. Nous avons commencé en octobre 2021 avec 5 enseignantes pour arriver à 22 un an plus tard, grâce aux aides reçues en route et 65 en juin. Depuis notre association avec Nayestane, nous avions en tout 150 enseignantes le 5 avril 2023, nous comptions 40 lieux d'enseignements, dont 3 dans la région de Kandahar, le fief des Talibans !!!! En juin 2023, nous avions 2258 élèves et 148 enseignantes en janvier 2024, 2830 élèves pour 157 enseignantes..

Les cours ont lieu dans de nombreuses régions d’Afghanistan, y compris des plus reculées (Badakhshan, Parwan, Helmand et depuis avril 2023 Kandahar, le fief des Talibans) et certaines grandes villes Kaboul, Kunduz, Baghlan, Tcharikar. La majorité des cours ont lieu dans des contrées non pachtounes où la présence des Talibans se fait moins sentir. Mais les risques bien entendu demeurent.

Nos 2830 élèves : Des jeunes filles, élèves du niveau collège-lycée, environ 11 à 17 ans, les plus menacées de toutes. Elles sont entre 15 et 20 par classe. Elles habitent le quartier de leurs enseignantes et peuvent se rendre assez facilement à leurs cours.

Nos 157 enseignantes : Avec l’aide de réfugiés afghans en France, et en fonction de notre budget, nous avons pu trouver des enseignantes qui donnent des cours de façon clandestine à environ 15 à 20 élèves chacune. De 6 enseignantes en octobre 2021, nous sommes passées à 22 un an plus tard à 148 en juin 2023. Certes ont exercé ce métier dans des établissements scolaires, d'autres ont été étudiantes en dernière année de droit et souvent de médecine. Toutes suivent le programme scolaire qui avait été établi par le gouvernement précédent. Parmi ces enseignantes, se trouvent des assistantes qui enseignent l'anglais Nous avons donné la priorité aux soutiens de famille et aux veuves (deux d’entre elles ont cinq enfants à charge chacune). Toutes ont perdu leur travail et tout autre moyen de survie. Elles reçoivent les élèves chez elles, dans leur cour ou dans une pièce séparée du lieu de vie. . Paiement des enseignantes Les enseignantes sont payées à présent 150 € par mois et la location de la pièce que nous louons à leur domicile. Nous ajoutons une prime au début de leur enseignement pour les fournitures scolaires et cet hiver, chacune reçoit pour payer le chauffage, d’autant que les hivers sont rigoureux. Nous avons fourni des ventilateurs également

L’argent est envoyé par des systèmes du type Western Union ou équivalent, selon les possibilités, il n'y a pas d’intermédiaire. Les frais d’envoi et de change (toujours défavorable pour nous) tournent autour de 10 %. Cette partie du projet est gérée par Lutfia Attay à qui les enseignantes envoient des rapports, dessins et photos régulièrement par le biais d’un groupe WhatsApp auquel tous ceux et celles qui nous soutiennent et qui le désirent peuvent se joindre.

AVENIR DU PROJET :

Cependant avec l’inflation, ces sommes se sont révélées insuffisantes et depuis février 2023 nous avons doublé le budget alloué à chaque enseignante et commencé des cours d'anglais et des conférences sur les droits humains pour les enseignantes

C'est pourquoi nous nous sommes associées à l'association Nayestane et nous réunissons désormais nos forces et nos enseignantes depuis février 2023. TÉMOIGNAGES RAPPORT APRÈS UNE CONVERSATION COLLECTIVE AVEC LES ENSEIGNANTES LE 23 octobre 2022

À cause des problèmes d’électricité (coupures fréquentes) et des coûts élevés d’internet en Afghanistan, nous n’avons pu parler qu’à une dizaine d’entre elles. Pour des raisons de sécurité, nous ne précisons ni les noms ni le lieu où elles enseignement La traduction a pu être assurée par la gestionnaire de cette partie du projet, Lutfia Attay. Toutes nous ont dit qu’elles sont le soutien principal de leur famille. Elles nous ont assuré que la demande était énorme, que des élèves et leurs familles étaient très enthousiastes ce qui leur assure une certaine protection La majorité des cours ont lieu dans des contrées non pachtounes où la présence des Talibans se fait moins sentir. Mais les risques bien entendu demeurent. C’est pourquoi chacune nous raconte qu’elles ont toujours un exemplaire du Coran à portée de main et à chaque élève apporte un quelconque ouvrage de couture avec lequel elles recouvrent leurs livres et cahiers en cas d’irruption intempestive des Talibans, ce qui arrive parfois. Au moins deux d’entre elles ont mis une affiche sur leur porte précisant qu’« ici unedame donne des cours de couture pour les jeunes filles ». Une professeure (veuve et mère de trois enfants) raconte :  Une nuit, vers 3 heures du matin j’étais en train de repasser, c’était le seul moment où il y avait de l’électricité, alors j’en ai profité. J’entends des cris dans la rue. Je vais voir à ma fenêtre et je constate que des Talibans ont de toute évidence tué un homme. Un d’entre eux me remarque et les voilà qui veulent défoncer ma porte. Je refuse leur ouvrir en criant ‘Ici, il n’y a pas d’hommes, uniquement des femmes, si vous voulez rentrer, il faut revenir avec votre chef’. Je me précipite pour tout cacher, mais ils ne sont pas revenus .

Problèmes/dangers rencontrés:

Nous leur avons demandé quels étaient les principaux problèmes qu’elles rencontraient S'il y a une intrusion de la part d’une milice talibane, les enseignantes ont toujours un exemplaire du Coran auprès d’elle et disent dispenser un cours d’instruction religieuse. Sinon chaque élève a un travail de couture à portée de main. Deux de nos enseignantes donnent en plus des cours de couture. Le niveau des élèves pose parfois problème : deux enseignantes nous ont dit qu’en dépit de leur niveau hypothétique de collège, certaines ont encore des problèmes de lecture, ce qui reflète le niveau de la scolarité précédente. C’est pourquoi une remise à niveau est essentielle avant de démarrer le programme scolaire officiel. Si, il y a un an, les quelques enseignantes que nous venions de recruter n’ont pas voulu de parler d’un problème réel, sans doute trop gênées à ce moment-là, cette fois-ci elles l’ont évoqué. Il s’agit du froid extrême en hiver, tellement sévère que les écoles sont fermées de janvier à mars. Avec l’augmentation des prix en particulier des combustibles, elles ont tout juste les moyens de chauffer une pièce - et encore. Dans cette société ultra-patriarcale et conservatrice, les jeunes filles ne sauraient se trouver dans la même pièce que des hommes auxquels elles ne sont pas apparentées, les enseignantes ont besoin d’assistance si les cours doivent continuer durant l’hiver. C’est pourquoi nous avons décidé de subventionner le bois de chauffage durant l’hiver

Projet en développement :

Aide aux étudiantes en médecine (infirmières, médecins, sages-femme):

En Afghanistan, toutes les études médicales sont organisées avec un enseignement théorique pendant les premières années, suivies d'une année d'expérience pratique en milieu hospitalier. L'arrivée des Talibans a laissé un bon nombre d'étudiantes à la fin de leurs études, privées de l'essentiel stage médical en dernière année. C'est justement là que nous pouvons intervenir en organisant ces stages pratiques avec les hôpitaux où les étudiantes pourront effectivement travailler, ce que les Talibans autorisent, ayant constaté le désastre médical à leur arrivée au pouvoir. . Dès fin février 2023 , nous avons lancé un projet pilote pour parfaire la formation de sages-femmes en Afghanistan avec l'AMA,l'Association des Sages-Femmes d'Afghanistan. 12 apprenties sages-femmes réalisent leur stage hospitalier sous stricte surveillance hospitalière dans des maternités de Kaboul pendant 4 mois. Ce projet sera renouvellé, d'autant que la mortalité maternelle et infantile est en train de redevenir catastrophique comme à l'époque des premiers Talibans où la mortalité maternelle était la pire au monde.

Pour plus de détails sur la situation en Afghanistan et notre projet voir l'interview de Solène Chalvon et Carol Mann, fondatrice de FemAid sur Public Senat, le 21 mars 2023

L’état (toujours précaire) de nos finances Pour 2021-2022, nous avons pu bénéficier d’une aide de la DIAIR et pour 2022-2023 une bourse de la Fondation Raja Danièle Marcovici ainsi qu’un don de Mères pour la Paix mais en vue de l’ampleur croissante que prend ce projet, ces subventions sont insuffisantes pour payer nos enseignantes et satisfaire les très nombreuses demandes c’est pourquoi nous nous dépendons de vos dons. Des ventes, des repas caritatifs, des concerts ont lieu pour soutenir notre action.

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